Assurément grand voyageur, qui n'a cessé de parcourir l'Europe et le bassin méditerranéen, le compositeur Camille Saint-Saëns (1835-1921) apparaît comme l’exemple type du musicien nomade au point parfois de ne plus disposer à Paris d’une adresse fixe.
Musique : Piano Concerto No. 5 in F major 'Egyptian', Op. 103, III. Molto allegro
Carte : Les voyages de C. Saint-Saëns à travers l'Europe de 1870 à 1921
Plusieurs raisons poussent l’artiste à fréquenter d’autres latitudes. Des raisons de santé l’invitent dès 1873 à trouver en Algérie un exil climatique seul capable de le mettre à l’abri du rude hiver européen. Le voyage procure à Saint-Saëns le moyen de s’isoler, notamment lors du deuil de sa mère en 1888 ou encore de fuir le danger comme lors de la Commune en 1871.
La multitude de ses engagements professionnels en tant que pianiste, organiste ou encore chef d’orchestre le destine à fréquenter nombre de musiciens célèbres et à arpenter les salles de réception des palais royaux et impériaux des cours d’Angleterre, de Russie, d’Allemagne, de Belgique ou encore de Monaco. A la recherche du succès lyrique qui tarde à lui ouvrir les portes de l’Opéra de Paris, l’artiste bénéficie d’un certain nombre d’appuis lui donnant accès aux plus grandes scènes européennes dès lors qu’il dispose de l’aide d’un certain Férenc Liszt à Weimar ou d’un Albert 1er de Monaco dont il est l’un des amis intimes.
Considéré comme le plus illustre des compositeurs français au temps même de la Belle Epoque et aux lendemains de la Première Guerre mondiale, Saint-Saëns cultive sa légende et sa réputation internationale à l’occasion de voyages mémorables tels que celui qu’il effectue en 1915 en Californie à l’occasion de l’exposition Pacific Panama.
Carte : Les voyages de C. Saint-Saëns à travers le monde de 1870 à 1921
Conscient de la difficulté à faire carrière en France et de la mondialisation des enjeux autour de la musique vers 1900, le musicien symbolise aux yeux du monde l’excellence d’une culture française qui poursuit au-delà des frontières la lutte contre sa rivale allemande. Saint-Saëns « exporte » l’idéal du classicisme musical en Amérique latine où son influence, voire sa présence, servent les intérêts culturels métropolitains lorsque ce n’est pas en Egypte où, à défaut d’une domination politique rendue impossible par les Anglais, la France tente de s’imposer sur le terrain culturel.
Séduit par la mode de l’orientalisme qui le pousse en direction du monde turco-arabe, fasciné par ce nouveau pôle de la civilisation que sont les Etats-Unis du début du XXe siècle, l’auteur de Samson et Dalila fait du voyage un mode de découverte flattant son goût pour l’éclectisme et un moyen de contribuer au rayonnement international de la IIIe République.
Photo : Camille Saint-Saëns
"C'est un maître pianiste foudroyant... et l'un des plus grands musiciens de notre époque"
Hector Berlioz
"Saint-Saëns est l'homme qui sait le mieux la musique du monde entier"
Claude Debussy
Texte de Stéphane Leteuré :
Professeur agrégé d'histoire-géographie, enseigne au lycée André Boulloche de Livry-Gargan. Remplissant quelques missions pour l'IUFM de Créteil, il a publié Le temps des démocraties populaires 1945-1989 (Ellipses, 2004) ainsi que trois ouvrages parascolaires destinés aux classes de terminales générales et STG.
Après s'être spécialisé dans l'histoire politique de la France du XIXe siècle (DEA à Paris I), il consacre depuis trois ans son doctorat de musicologie (université François Rabelais de Tours) aux liens entre le politique et la musique à travers le compositeur Camille Saint-Saëns.
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