Une histoire méconnue
C'est pour ne pas nuire aux déplacements des troupes et par crainte qu'ils ne deviennent des agents ennemis que, le 6 avril 1940, soit très peu de temps avant la défaite française, Albert Lebrun, président de la République depuis 1932, ordonne l'interdiction de circuler au nomades.
En zone libre, les camps de Saliers et Lannemezan ouvrent sous l'ordre du gouvernement de Vichy.
L'existence de ces camps pour nomades est peu connue, mais qu'ils aient tous été sous l'administration française est encore plus ignoré.
Pendant la guerre, entre 3 000 et 6 000 Tsiganes sont internés dans trente camps pour nomades aujourd'hui recensés en France.
Ils sont victimes de ces mesures dans l'indifférence la plus totale, ne recevant aucun soutien.
Musique : Kek Lang - Nani, nani (Romany Songs)
Au fil de l'histoire : Gadjo, souviens toi ou l'internement des Tsiganes en France, 1940-1946 (Patrick Liegibel)
Vie dans les camps et persécutions
Une centaine d'internés sont d'ailleurs morts dans les camps entre 1940 et 1944, faute de soin.
Parfois seulement, des religieux comme l'abbé Jollec à Montreuil-Bellay, s'émeuvent du sort des Tsiganes et tentent d'assurer une prise en charge minimale. Bien sûr, les tentatives d'évasion sont légion.
Hors des camps, les Tsiganes ne reçoivent guère aucun soutien, même si les exceptions existent et que des âmes charitables leur viennent en aide de-ce de-là. Beaucoup d'évadés sont dénoncés et, d'une manière générale, les nomades font l'objet de délation, d'accusations, de pétitions...
Les préfets sont par exemple sollicités pour que des familles itinérantes, qui circulent dans tel ou tel canton, soient internées.
La persistance du Traumatisme
Pour les Tsiganes, la sortie tardive des camps ne ressmble en rien à la libération des citoyens français qui retrouvent leurs compatriotes sur les chemins de la liberté.
Livrés à eux-mêmes et constatant souvent le pillage de leurs biens, ils comprennent vite qu'ils n'ont rien à attendre de la France de l'après-guerre. De fait, la persécution des Tsiganes de France sous Vichy semble encore aujourd'hui un sujet tabou, tenu à l'ecart de la mémoire collective. On l'attribue systématiquement à l'occupant, sans jamais évoquer les responsabilités d'une France qui, officiellement, n'a même pas assuré le strict minimum du devoir de mémoire.
L'internement des Tsiganes a crée chez eux un immense traumatisme et une méfiance, voire un rejet des Gadgé - "ceux qui nous ont mis dans les camps" entend-on souvent - qu'une reconnaissance a posteriori aurant pu atténer mais que l'indifférence a fait grandir.
Source : Atlas des Tsiganes, Les dessous de la question rom de Samuel Delépine aux Éditions Autrement
Entretien de Samuel Delépine et Catherine Calvet (journal Libération, 7 avril 2012) :
A voir : "Mémoires tsiganes, l'autre génocide" de Juliette Jourdan et Idit Bloch. Très peu diffusé mais remarquable travail de mémoire.
A lire :
- Un camp pour les Tsiganes et les autres : Montreuil-Bellay 1940-1945 de Jacques Sigot aux Éditions Wallada, 1983
- La mémoire et l'oubli, L'internement des Tsiganes en France, 1940-1946 de Emmanuel Filhol, aux Éditions de L'Harmatttan, 2004
- La Persécution des Tsiganes par les nazis de Guenter Lewy, aux Éditions des Belles Lettres, 2004
- N'oublions pas les tsiganes de Louis de Gouyon Matignon (porte-parole des tsiganes et président du parti européen), chronique de Libération du 27 janvier 2015
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