Éditorial :
Avec l’été, XXI se met au diapason du soleil en arborant un habit neuf et une nouvelle couverture. Cela faisait quelques mois que nous avions envie de changement. Les trois bandes de couleurs vives, l’encombrement des mentions typographiques et l’annonce du reportage en BD, autant d’éléments qui figuraient chaque trimestre en couverture. Ils avaient marqué notre différence lors du lancement du n° 1 de XXI, mais ils étaient devenus progressivement des contraintes, avec un effet de répétition.
En cherchant un principe de couverture pour le hors-série « Les Maisons de l’islam », nous avons été heureusement surpris par l’impact et la liberté que pouvait apporter la suppression de notre couverture en forme de drapeau. Désormais une seule image occupe l’essentiel de la Une, avec plusieurs plans ou une composition différente, riche en détails. En quatrième de couverture, le sommaire est détaillé et explicite.
Presque à chaque numéro, nous faisons évoluer votre revue. Certaines rubriques apparaissent, d’autres ont été testées avant d’être abandonnées. Nous avons développé les cartes, l’iconographie a été enrichie, nous avons ajouté des pages « Pour aller plus loin » après le portfolio et largement modifié la première partie de la revue… Le courrier des lecteurs, rubrique objet de fascination/répulsion pendant les premières années, avec vos déclarations d’amour à répétition, a été réduit : il y a bien d’autres manières de dialoguer avec vous désormais.
À chaque changement, rares sont les lecteurs qui voient la différence. Et pourtant, il suffit de reprendre un numéro ancien pour prendre la mesure de cette métamorphose permanente, par petites touches. Un journal est un corps vivant. Il doit évoluer. Mais c’est aussi un corps fragile : chaque lecteur doit pouvoir trouver ses marques facilement et se repérer d’un numéro à l’autre.
Nos échanges sur la couverture ont ravivé de beaux souvenirs, quand XXI n’était encore qu’un projet, échafaudé à deux. Il manquait une forme à notre idée, encore sans auteurs et sans existence. Marie-Pierre Subtil, rédactrice en chef de 6Mois et alors journaliste au Monde, nous avait parlé de « deux directeurs artistiques pleins de talent mais qui s’ennuyaient un peu au journal ».
Quintin Leeds et Sara Deux nous ont donné rendez-vous dans un bistrot du 13e arrondissement de Paris, qui servait des salades abondantes dans des bols de cantine en inox. À vrai dire, la gastronomie n’était pas au programme. L’essentiel était dans leurs yeux. Ils nous ont compris à demi-mot. Ils ont su lire dans nos rêves. Il n’a pas fallu plus de deux essais à Sara et Quintin pour que XXI existe, comme un objet que l’on voit et que l’on touche, avec leur patte et leur talent.
Les choix initiaux sont restés, et d’abord la décision de confier à des illustrateurs l’accompagnement visuel des récits. À une école de jeunes journalistes correspond ainsi une école de jeunes illustrateurs, toujours différents. Et la couverture « à l’italienne », horizontale et non verticale, est la signature atypique de ce journal pas comme les autres.
À chaque bouclage, les « Oh ! », les « Ah ! » d’enthousiasme, parfois les déceptions – ça arrive, évidemment – accompagnent la découverte des illustrations, sur l’écran et sur les murs du bureau de la direction artistique. Un bureau hall de gare ou auberge italienne. Chacun entre et sort en coup de vent, donne son avis (de préférence bruyamment), pointe du doigt un écran et rit (assez fort). L’assemblage de ce Meccano de précision est géré par un artiste, dessinateur aux talents multiples, qui a bien choisi son pseudonyme : Placid. Jamais il n’a connu un raté.
À XXI, il n’y a pas d’un côté le monde de l’image et de l’autre celui des mots. Depuis déjà quelque temps, la direction artistique donne droit à une carte de presse. Choisir des images, diriger des illustrateurs, associer les typographies relève du journalisme. C’est un jeu de l’esprit et du regard, qui réclame une intelligence émotionnelle peu commune.
Quintin Leeds et Sara Deux ont quitté l’un après l’autre Le Monde. Ils ont pris des chemins différents, qui le Web et les nouvelles formules de journaux, qui l’enseignement et la sculpture, l’un et l’autre beaucoup l’édition. Un port d’attache les réunit chaque trimestre : ce journal que vous tenez entre vos mains. Il est une fois de plus leur oeuvre commune, avec sa jolie robe d’été. Bonne lecture et bonnes vacances à tous !Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry