Chaque partie se déroule sur les deux continents, la fiction restituant fidèlement les relations d’échange entre la mafia sicilienne et la Cosa Nostra américaine. Ainsi, la traversée de l’Atlantique constitue le passage presque obligé des carrières des mafieux : qu’ils fuient le Vieux Continent parce qu’ils sont en délicatesse avec la justice ou pour échapper aux guerres de clan, comme le fait Michael Corleone.
La géographie américaine rend compte de la diversité des intérêts mafieux : casinos, hôtels de luxe à l’ouest, marché de la protection dans la ville de New York et trafic de drogue.
Dans le Parrain III, la scène italienne s’élargit : Palerme, Rome et le Vatican, des lieux qui font écho aux révélations sur les rapports entre le pouvoir politique italien, le Vatican et la mafia. La mafia italo-américaine n’est en aucune façon une simple exportation de la mafia sicilienne. Les témoignages de repentis concordent : une fois aux Etats-Unis, le mafieux sicilien est un homme neuf. Il a une réputation, des intérêts économiques mais il ne devient pas pour autant un boss…
On pourrait tourner un Parrain IV de nouveau entre la Sicile et les Etats-Unis puisque les liens entre les deux criminalités n’ont pas disparu. Dans les années 80, une guerre mafieuse s’est déclarée entre deux grands clans siciliens, ce qui a entraîné une émigration aux Etats-Unis. Entre 2005 et 2010, on note des tentatives de retour vers la Sicile qui ont échoué grâce à la collaboration entre les polices italiennes et américaines.
Aujourd’hui, la carte géographique se déplacerait probablement vers l’Amérique du Sud quand on sait le poids des cartels latino-américains. Cuba était d’ailleurs l’un des lieux du Parrain II.
Ce déplacement est intervenu dans les deux versions successives de Scarface. Du film de Hawks (1932) à celui de Brian de Palma (1983), la scène bascule de Chicago à Miami, de l’alcool à la cocaïne et des Italo-Américains - à l’image de Tony Camonte, inspiré d’Al Capone - vers les Italo-Cubains (Tony Montana). La mafia italo-américaine est toujours présente sur la côte Est, et prépondérante dans le racket mais elle a perdu sa position dominante dans le trafic de stupéfiants.
Texte de Fabrizio MACCAGLIA, Marie-Anne MATARD-BONUCCI publié ici dans le journal Libération le 28 Août 2010.
A lire sur les mafias:
Atlas des mafias. Acteurs, trafic et marchés de la criminalité organisée de Fabrizio Maccaglia et M.A. Matard-Bonucci. Cartographie et infographie d'Alexandre Nicolas aux éditions Autrement.
Histoire de la mafia de Salvatore Lupo (historien italien)
Le Parrain de Mario Puzo